Quelles perspectives pour l’IA, intervention sur Sunrise

Oui, ChatGPT est une révolution, qui nous a échappé malheureusement. c’est dommage car beaucoup des gens qui ont conçu ces technologies sont français. Mais il faut garder la tête froide. Il reste encore énormément d’opportunité et ChatGPT est très loin d’être l’algorithme ultime. Si on met un peu de coté les commentateurs, et que l’on s’intéresse aux réels techniciens, on se rend compte de plusieurs choses.

Les limites de ChatGPT

Les algorithmes derrière ChatGPT existent depuis dix ans, ils ne sont pas révolutionnaires en tant que telles, ce fut plutôt une lente amélioration sur ces dernières années, mais ils sont désormais déployés avec des moyens considérables, notamment au niveau des infrastructures de serveurs. Mais cela reste est un démonstrateur, difficile à déployer sur des cas avec une valeur ajoutée. Pourquoi?

  • Parce qu’il n’est pas fiable, il est fait pour générer du contenu, même faux. Ce qui peut entrainer de grosses pertes de temps, à essayer d’appliquer une solution qui est une pure chimère par exemple. Il n’est pas capable de sourcer. Il invente des sources. Il n’est pas capable de construire un raisonnement. Il n’est pas capable d’utiliser des outils.
  • Il atteint déjà ses limites. Les données sont le réel enjeu : toutes les données ou presque ont été consommées, on a utilisé beaucoup d’humains pour construire des données à la main. Or les acteurs du marché n’ont pas cette donnée pour automatiser. C’est ce qu’on appelle l’étape du fine-tuning : pour passer d’un modèle général à un modèle qui gère le cas d’usage que vous voulez vraiment traiter, vous devez l’entrainer avec votre donnée spécifique. Dans 99% des cas, la donnée pour faire ce fine-tuning n’existe pas ou est très insuffisante.
  • C’est très probable que l’IA vraiment cognitive n’aura aucun lien avec l’architecture de ChatGPT. En tout cas c’est l’avis de spécialistes comme Yann LeCun, qui dirige la recherche IA de Facebook.

Donc est ce que ChatGPT, et les IAs génératives vont tout remplacer ? C’est vraiment très tôt pour le dire. Le déploiement de ce type de technologie sur le marché se fait depuis longtemps et c’est un sujet très complexe.

Est-ce que le consultant perdra de sa valeur ? Probablement pas, car ce qu’on cherche quand on fait appel à une prestation, c’est d’être sûr à 100% de la qualité du service rendu. D’autre part le low cost ne date pas d’aujourd’hui dans le domaine du service, comme dans le juridique. C’est la même chose pour le développement informatique. On paye un développeur non pas pour produire un code mais pour qu’il soit fonctionnel et vérifié. Il faut avoir conscience que la valeur de ce qui peut être générée par ce type d’IA est pratiquement nulle. Il est possible qu’elle ne puisse remplacer que des opérations à très faible valeur ajoutée, sans enjeu d’exactitude.

Pour le moment, la seule vraie utilisation de GPT est Replika, qui est un compagnon romantique virtuel qui fait un carton depuis quelques années chez les jeunes (malheureusement). Parce qu’il n’y a pas de réel enjeu, c’est du divertissement. Tout comme aujourd’hui beaucoup de gens se divertissent en testant le service d’open IA.

Les autres perspectives dans le domaine de l’IA

Il existe en revanche d’autres solutions techniques dans l’IA dont on parle assez peu et qui sont susceptibles de créer de véritables révolutions : ce sont des méthodes capables de trouver des solutions hyper optimisées à un problème donnée en parcourant un arbre de possibilités. C’est ce que faisait DeepMind avec le jeu de go, une société qui utilise désormais sa technologie sur la recherche médicale avec Alphafold.

Avec ces méthodes on est désormais capables de concevoir des protéines médicales ou bien des solutions à des problèmes mathématiques auxquelles on n’aurait jamais pensé. Des optimisations que même mille chercheurs pendant mille ans n’auraient pas trouvées.

Là on peut dire que l’industrie va probablement totalement changer de visage grâce à cette assistance. Et de nombreux traitements médicaux révolutionnaires vont probablement sortir dans la décennie qui vient. Il faut bien avoir conscience que rien est joué, et que l’avenir ne se limitera certainement pas à ChatGPT. Le métier d’ingénieur ou de chercheur va être augmenté.

L’autre domaine clé est celui de la conception artistique. C’est là où les algorithmes génératifs comme ChatGPT ou MidJourney frappent fort, les designers utilisent déjà l’IA pour trouver de nouveaux concepts. Ces algorithmes arrivent très bien à assembler ensemble des concepts hétérogènes. NVIDIA utilise l’IA pour générer des personnages, des textures, des comportements ou bien des animations dans des jeux vidéos par exemple.  Cet aspect génératif peut être vraiment intéressant pour créer des univers virtuels inédits en cliquant sur une touche. Donc demain on se retrouvera sans doute face à des univers virtuels bien plus denses.

Quel monde peut-on entrevoir grâce à l’IA au final?

Déjà cela va créer un changement radical dans notre rapport à la valeur. Nous vivons déjà dans un monde où nous sommes submergés par des productions de mauvaise qualité. Mais l’IA générative peut rééquilibrer la pluralité politique au sein de l’économie. La gauche tient d’une main de fer de grands pans de l’économie, notamment dans l’industrie culturelle, tout en produisant du contenu très médiocre qui ne correspond pas aux attentes des consommateurs.

Avoir des alternatives en termes de processus artistique est une opportunité énorme. Cela sera d’autant plus facile de présenter une concurrence en face d’eux, sans disposer de leurs gigantesques capitaux. Pour moi, l’IA générative, ironiquement, va faire monter la qualité de ce qui est produit aujourd’hui. Ne serait ce que parce que ce qui est produit par une IA générative par essence a une valeur proche de zéro. Il faudra donc dépasser les résultats de l’IA pour créer de la valeur.

Ensuite, ça va créer un monde plus incertain du point de la propriété intellectuelle. En effet, que ce soit MidJourney ou ChatGPT, les algorithmes sont alimentés avec des choses qui relèvent parfois de la propriété intellectuelle. On se retrouve donc avec des algorithmes qui font sauter tous les verrous de cette propriété en s’appropriant le contenu et en le resservant légèrement modifié. Donc oui, c’est hyper utile pour les consommateurs sur le court terme, mais ça peut devenir très préjudiciable sur le long terme.

Nous parlions de Replika. La virtualisation des échanges risque de poser quelques problèmes aussi. Alors qu’on a déjà des problèmes de relation entre les deux sexes, on risque de voir débarquer un marché affectif parallèle automatisé à la japonaise, sachant que la solitude est vraiment un des premiers fléaux en Extrême-Orient comme en Occident.

Le dernier point, et le plus délicat, est la question de la triche, de la fraude. Il sera plus dur d’évaluer les compétences réelles d’une personne. Des solutions simples à mettre dans le niveau académique existent mais ça pose une question plus anthropologique, qui est essentielle pour nous qui travaillons la question de l’élitisme, de l’anti-égalitarisme. Comment empêcher la triche. Quelle valeur donner à un humain incapable de gérer sa vie et son travail sans IA. 

Et je crois qu’il faudra aller dans une direction où la technologie sera considérée comme un outil pour expert. La discipline est une partie essentielle de l’apprentissage. Pour conserver cette discipline mentale, il faudra avoir conscience que la technologie doit venir le plus tard possible dans l’apprentissage, une fois que l’enfant ou l’adulte est déjà un individu accompli.

La Droite et l’intelligence artificielle : crainte ou espoir ? – YouTube

Peter Columns

Entrepreneur, ingénieur spécialisé dans les technologies d’Intelligence Artificielle.