Ergo Proxy, la créature obsolescente et la planification de son remplacement

Ergo proxy est une série animée japonaise sortie en 2006, explorant avec une profondeur assez inattendue la relation entre créateurs et créatures. Dans notre monde, les humains peuvent difficilement trouver de sens à leur existence sans créateur. Visuellement intéressante malgré une narration parfois difficile, Ergo Proxy visite un autre aspect de la création, mettant en scène des créatures qui ne sont pas satisfaites du sens qu’on leur a donné, et des créateurs insatisfaits de leurs créations et déçus de leurs propres facultés.

Cet article contient de nombreuses révélations sur la série, et dévoile une large partie de son histoire. Il est possible de visionner la série en ligne facilement pour les lecteurs qui seraient intéressés pour la découvrir sans en connaitre l’intrigue.

Quelle est l’intrigue d’Ergo Proxy?

La terre est ravagée suite à une catastrophe apocalyptique ancienne et inconnue. L’humanité ne vit plus que dans des dômes isolés les uns des autres.

Les humains vivent leur cloisonnement dans leurs dômes comme une déchéance.  Ils sont incapables de survivre dans l’hostilité du monde extérieur. Ils ne sont que des humains incomplets, incapables de se reproduire. Ils dépendent de la matrice des dômes où les citoyens sont fabriqués in vitro.

Chaque humain dans ce monde est assisté par sa propre intelligence artificielle, appelée “entourage”. Ces intelligences artificielles sont faites pour assister les humains dans leurs taches de tous les jours. Les humains semblent naturellement dépourvus d’autonomie, reposant sur ces aides artificielles pour réfléchir ou même simplement se coiffer.

Les humains ne savent rien des origines de leur condition actuelle. Ils ne savent ni d’où proviennent leurs entourages, ni d’où proviennent les dômes, ni quelle énergie ils utilisent. Nous découvrons le monde avec les yeux d’une jeune inspecteur, Real, qui cherche à percer les mystères de ce monde.

Un évènement va faire basculer la sérénité qui régnait au sein du premier dôme où se déroule l’aventure. Une maladie étrange circule dans la ville et semble contaminer les entourages. Les intelligences artificielles contaminées se trouvent alors dotées de leur propre conscience et changent radicalement de comportement. Les intelligences artificielles contaminées par le virus sont pourchassées, détruites et retirées de la circulation par les services de police de la ville.

Une seconde apocalypse semble alors se mettre en branle.

 

Le monde extérieur est un monde stérile et dévasté, ou la lumière du jour ne peut même pas percer l’épaisse couche de nuages sombres. Lors d’un voyage à travers ces étendues dévastées de deux protagonistes, les voyageurs seront enterrés un à un, faute de nourriture.

 

Les citoyens des dômes ne sont que de pâles copies limitées des vrais humains. La raison de leur existence est de préparer le monde au retour des humains originels. Ils sont obsolescents.

Au fil de l’aventure, plusieurs faits viennent éclaircir ces mystères. Chaque dôme est doté d’un créateur, un proxy. Les proxy sont des sortes de demi-dieux alimentant les dômes de leur énergie. Ils sont la condition nécessaire pour qu’un dôme puisse produire de nouveaux citoyens. Au fur et à mesure de l’aventure, nombre d’entre eux seront rencontrés: tous ou presque ont sombré dans la folie. La plupart des dômes sont morts, dévastés. La plupart des populations humaines ont fait les frais de la démence de leur créateur.

 

Exemple de dôme construit par les proxys, les humains de synthèse et les entourages

 

Pourquoi ces créateurs sont devenus fous? Parce qu’ils sont l’objet d’une duperie. Les humains sous leur aile ne sont pas de vrais humains. Leur création reste désespérément imparfaite et vide de sens. Les proxys sombrent dans la folie après avoir compris que leur création était périssable et qu’ils ne sont eux-mêmes que l’intermédiaire provisoire d’un projet plus vaste.

Après l’apocalypse ayant dévasté la terre, les vrais humains originels se sont réfugiés dans l’espace. Ils attendent patiemment que la terre redevienne habitable pour eux. Cependant, ils désirent revenir sur terre en disposant de toutes les infrastructures prêtes à l’emploi à leur retour.

Pour ce faire, ils décidèrent de concevoir plusieurs créations périssables, et de les envoyer sur Terre pour mettre en place de nouvelles villes: les humains synthétiques, les entourages et les proxys. Lorsque le retour sur Terre devient possible par l’amélioration du système écologique, plusieurs mécanismes s’enclenchent pour évacuer une à une ces créations provisoires.

– Les entourages sont contaminés par le virus de la conscience, leur faisant adopter des comportements déviants ou destructeurs. Les entourages ne désirent plus servir les humains de synthèse, qu’ils considèrent comme incomplets. Beaucoup se mettent simplement en position de prière dans l’attente du retour de la véritable humanité.

– Les humains de synthèse, désespérément dépendants de leur entourage, deviennent incapables de faire face à la réalité. Ils sont livrés à eux mêmes dans le chaos alors même qu’ils ont été dépossédés génétiquement de toute capacité d’autonomie.

– Les proxys, sont conçus pour être consumés par la lumière du soleil. Alors qu’une épaisse atmosphère de cendre obscurcit le ciel durant tout le périple, l’amélioration climatique progressive de la planète a pour effet de laisser transparaitre à nouveau la lumière du jour.

 

Intelligence Artificielle, dite “Entourage”, contaminée par le virus de conscience, en position de prière dans l’attente du retour de la véritable humanité.

 

Ainsi, l’humanité originelle peut alors redescendre sur terre et prendre la place des humains de synthèse dans les dômes confectionnés par les proxys. Tous auront été éliminés à leur retour.

Cependant, ces créatures se rendant compte de l’ironie et du désespoir de leur propre nature, décident de se retourner contre leurs créateurs, et de les piéger une fois qu’ils décideront de revenir. Les humains de synthèse entreprennent de se modifier génétiquement, et échouent tuant une large partie de leur population. Beaucoup de proxys se vengent en se mettant à détruire leur propre dôme. D’autres réussissent à créer un proxy capable de résister à la lumière du soleil.

Ce nouveau proxy se voit assigner une simple tache. Alors que les vaisseaux de l’humanité originelle descendent sur Terre pour prendre possession de leur du, la tache assignée au nouveau proxy est d’accomplir la vengeance des créatures dupées, et de tuer les humains originels jusqu’au dernier, qui ne s’attendent pas du tout aux surprises laissées derrière par leurs créatures mourantes.

 

 

Personnages de l’enquêtrice Real et de son entourage Iggy. L’enquêtrice est incapable de se coiffer seule, et repose sur son entourage pour gérer les conséquences des désordres qu’elle cause. Lorsque son entourage sera contaminé par le virus de la conscience, il sera tiraillé par l’amour qu’il éprouve pour sa maitresse et le mépris qu’il a pour son incompétence et son arrogance.

 

Conclusion

En définitif, Ergo Proxy pose la réflexion de créatures frappées d’obsolescence par leur propre créateur.

Dans le monde réel, les hommes cherchent un sens à leur existence à travers divers courants idéologiques ou religieux. Ce sens est absent et ils doivent le trouver par eux mêmes.

Dans le monde d’Ergo Proxy, chaque créature dispose effectivement d’un sens à son existence, défini par leurs créateurs respectifs. Pourtant ce sens est insatisfaisant, les renvoyant chacun à leur propre finitude. Ils n’ont pour rôle que de remplir une tache circonscrite dans le temps et leur existence s’arrête là où cette tache est accomplie. Ils n’ont été conçus que pour être remplacés.

Même munis d’un but par leur créateur, ils restent insatisfaits. L’humain nécessite un but qui soit centré sur son propre développement et qui satisfasse sa propre volonté de puissance. Les humains de synthèse et les proxys perçoivent leur condition d’obsolescence comme une injustice, et leur désir de créer ou de survivre devient plus forte que la volonté de leur propre créateur.

 

Exemple de proxy, créatures semi-divines ayant la responsabilité des dômes.

 

Peter Columns

Entrepreneur, ingénieur spécialisé dans les technologies d’Intelligence Artificielle.