L’Occident, une civilisation centralisatrice en proie à des menaces décentralisées

La faillite inéluctable des Etats dans un monde décentralisé.

Les frontières s’ouvrent, les modes d’échanges se modifient, la diversité de l’offre rencontre une diversité naissante de la demande. Après des siècles de centralisation, l’Occident découvre la décentralisation.

Qu’est ce que la centralisation? C’est lorsque tous les individus sont connectés entre eux indirectement par le biais d’une entité centrale, telle qu’un État. La télévision est par exemple une entité centralisée. Qu’est ce que la décentralisation? C’est lorsque tous les individus sont interconnectés entre eux directement sans entité intermédiaire centrale. Internet est une entité décentralisée par exemple.

Jusqu’alors, nous étions habitués aux grandes structures impériales latines, édictant une loi pour tous et l’imposant uniformément sur tout le territoire, respectant le territoire des autres nations en délimitant clairement le cadre d’application géographique de la juridiction. La centralisation permettait le processus de démocratie, permettant à un peuple d’un territoire donné de voter ses propres lois s’appliquant sur son propre sol.

Désormais, les choses se complexifient. Les frontières sont incertaines voir inexistantes, rendant impossible de définir le cadre juridique des lois. Les individus vont et viennent au-delà de ces frontières, diversifient leurs choix et se rendent incompatibles les uns aux autres. La notion même de socle commun devient de plus en plus floue.

De par cette transformation du monde grandement opérée par la facilité des transports et des communications, les Etats semblent impuissants à faire régner encore leur autorité. Les populations étrangères une fois installées sur le territoire ne leur obéissent plus. Les entreprises ne leur obéissent plus. Il est désormais possible de vivre en France sans jamais côtoyer la France, que ce soit dans la rue, à la télévision ou sur internet.  Seules les populations locales continuent d’obéir, de plus en plus horrifiées par le délitement progressif de cette entité fondatrice qui leur était essentielle. Alors qu’ils croyaient à l’unité, la décentralisation générale donne un contexte plus favorable que jamais à la sécession et à la partition. Nous sommes en effet entrés dans une nouvelle ère fondamentalement hostile aux entités centralisatrices.

La décentralisation n’est aucunement synonyme de liberté. Elle est en vérité la graine de la dictature la plus violente et la plus indéracinable qui puisse exister.

Si la centralisation donnait un certain degré de contrôle au pouvoir en place sur sa population, sa déliquescence n’est aucunement synonyme de liberté. En effet, pour que le monde continue de tourner, des lois doivent continuer de s’appliquer. Les modèles centralisateurs avaient pour intérêt de permettre au peuple de décider par lui-même des lois. En effet, une entité centralisatrice est saisissable et permet donc au peuple concerné de s’en saisir et de la modifier par lui-même. Une entité décentralisée est insaisissable. Il n’y a plus de démocratie car il n’y a plus de -cratie. Tous les individus sont soumis aux autres. Tous les individus sont régis par une entité souterraine immuable sur laquelle ils n’ont plus aucune prise.

Le génie d’Orwell est d’avoir compris cela. Dans 1984, il décrit un monde centralisé autour de la personne de Big Brother. Au fur et à mesure du récit, la dictature de cette dystopie se révèle réellement: elle n’est pas centralisée. Big Brother n’existe pas. Il existe dans la tête de chaque membre du parti qui se charge d’accomplir sa volonté. Ainsi, il ne peut-être renversé. Tous les individus se contrôlent mutuellement.

A l’autre bout du spectre civilisationnel, l’islam est comme un poisson dans l’eau dans un monde décentralisé. Partout et nulle part à la fois. Adapté pour créer des formes de législations dans les sables du désert où aucune civilisation ne pourrait pousser, il fait sortir de terre une entité régulatrice partout où il est simplement invoqué.  Chaque musulman est l’islam. Chaque musulman a la tache de faire respecter la charia autour de lui. L’islam n’a pas besoin d’Etat, la communauté islamique est l’Etat. Chaque membre de cette communauté est à la fois le législateur, le juge, le fonctionnaire de police. Ainsi, aucun Etat ne pourrait jamais réellement exister en terre d’islam: la charia s’opposera toujours à une telle configuration. Le Coran et les hadiths sont Big Brother et ne peuvent être détruits.

Une dictature centralisée est réversible. Une dictature décentralisée est irréversible.

L’Occident fondamentalement centralisé, en proie aux menaces décentralisées, peut-il se réinventer et acquérir une nouvelle forme?

L’islam, principal prédateur, est parfaitement adapté à ce nouvel environnement. L’Occident part en revanche avec un très lourd handicap. Il n’a que deux choix pour survivre:

  • Stopper le mouvement de mondialisation qu’il a enclenché et rétablir un monde où la centralisation redeviendrait possible;
  • Se réinventer pour être capable de renaitre, tout comme l’islam, à tout instant en tout lieu pourvu qu’une communauté s’attache à ses principes.

La tache n’est pas aisée. Dans le second scénario de survie, les occidentaux doivent cesser de se voir comme un ensemble de nations et d’Etats, mais se voir plutôt comme un essaim porteur d’un ensemble de règles et d’un héritage commun. Les Etats et les nations ne seraient alors que la résultante de cette nouvelle méthode de résistance ou d’implantation.

Plusieurs questions restent alors entières. Quel serait l’élément central, similaire au Coran, capable d’instaurer la civilisation occidentale en tout endroit et en tout temps? Comment garantir la liberté des individus qui est le creuset de notre civilisation tout en adoptant cette méthode décentralisée d’essaimage? Comment garantir que cette méthode permette l’émergence de sociétés flexibles, capables d’évoluer et de progresser? Quelle graine faudrait-il mettre au cœur de ce système permettant de faire repousser l’arbre Occident en toutes circonstances dans les situations les plus désespérées et chaotiques?

La graine serait dans nos textes fondateurs, bien sur, mais aussi et surtout dans les œuvres occidentales et leur esthétique qui nous est parvenue des grecs. La mythologie et l’imaginaire qui émanent de ces œuvres et de ces textes seraient peut-être un début de clé.

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Peter Columns

Entrepreneur, ingénieur spécialisé dans les technologies d’Intelligence Artificielle.